Crédit photo : Or Katz
Crédit photo : Or Katz
Adaptation et mise en scène Vincent Goethals
Direction musicale Gabriel Mattei
Travail vocal Mélanie Moussay
Regard chorégraphique Louise Hakim
La mère : Anne-Marie Loop
La fiancée : Angèle Baux Godard
La belle-mère : Mélanie Moussay
La femme de Léonard : Lucile Charnier
La voisine, la nourrice : Christine Leboutte
Léonard : Nabil Missoumi
Le fiancé : Sébastien Amblard
Le père de la fiancée, la mort : Rainer Sievert
La jeune fille, la lune : Louise Hakim
Le jeune homme, un bûcheron : François Gillerot
et
Accordéon : Gabriel Mattei
Vibraphone : Keiko Nakamura / Christophe Dietrich *
Violoncelle : Tristan Lescêne
(* en alternance )
Scénographie Benoit Dugardyn
Lumières Philippe Catalano
Environnement sonore Bernard Vallery
Costumes Dominique Louis assistée de Sohrab Kashanian
Maquillages et coiffures Catherine Nicolas
Assistant à la mise en scène : François Gillerot
Production Théâtre en Scène, Cie Vincent Goethals
Coproduction Châteaux de la Drôme, L’Opéra-Théâtre de Metz Métropole
Inspiré par un fait divers tragiquement banal rapporté dans le journal A.B.C. en juillet 1928, Federico García Lorca écrit Noces de sang entre 1931 et 1932, après quatre ans de réflexion et de maturation. Dans une région aride du sud de l’Espagne, un mariage va être célébré. Mais dès les premières scènes, on pressent le malheur : la préparation des noces ne fait pas oublier les anciennes fiançailles avortées, qui liaient la Fiancée à Leonardo, un Félix, la famille de ceux qui ont tué le père et le frère du Fiancé. Un double deuil dont sa mère ne s’est jamais remise. Cette ombre s’épaissit peu à peu. D’autres ténèbres, plus troubles, plus terribles s’annoncent. Leonardo, désormais marié et père d’un tout jeune enfant, devient fébrile à l’approche de la noce. Il n’apparaît que furtivement dans sa propre maison, rôde sous les fenêtres de la Fiancée, et ne cesse d’épuiser son cheval à de longues cavalcades nocturnes. La Fiancée, de son côté, malgré son impatience affichée de nouer son destin à son promis, vibre elle aussi d’une nervosité croissante. Eclate enfin ce qui l’attache à Leonardo : une passion sourde, invincible, au-delà même de l’amour. Les deux amants disparaissent au cours de la noce et s’enfuient, aussitôt pris en chasse par le Fiancé. L’issue sera tragique : guidés par la lune et la mort, les deux jeunes hommes s’entretuent.
« Federico Garcia Lorca naît en juin 1898 à quelques kilomètres de Grenade. Son enfance, sa terre grenadine : la destinée des hommes qui la peuplent, ont une importance capitale dans son trajet d’auteur dramatique. Et ce n’est pas seulement une histoire de folklore. Grenade, c’est l’extrême pointe de l’Occident. L’endroit où l’Afrique rencontre l’Europe, le judaïsme, l’Islam et la chrétienté jusqu’à l’inquisition…
Les personnages du théâtre de Lorca sont immergés dans le même silence collectif que les habitants de son village natal : cette contrainte morale exclusive, intégriste, comme un carcan, un corset, jusqu’à l’explosion et à l’élimination par le sang de l’élément transgresseur. Il meurt lui-même assassiné par les gardes civils en 1936. La victime expiatoire la plus évidente de tous ces rituels sanglants reposant sur les traditions ancestrales, c’est Lorca lui-même. Il était bien placé pour savoir ce que représente l’interdit transgressé. A l’heure des révisionnistes et de la résurgence fasciste, il n’est sans doute pas inutile de rappeler que dans les rues de Grenade, en 1936, le sang était rouge. »
Frédéric Dussenne
Il n’y a aucun intérêt à vouloir dégager une symbolique particulière des pièces de Lorca. Inclassables, elles parlent d’elles-mêmes.
Histoires au silence assourdissant, à la langueur sourde. Tout est rentré, retenu. Rien n’est dit. Jusqu’au seuil de l’explosion.
Histoires des corps contraints, des haines ravalées, des passions muselées.
Histoires de la moiteur, de la déflagration de la chair.
La chaleur est déterminante, dans cette dramaturgie. Comme une fatalité incontournable, on n’échappe pas au soleil de plomb des campagnes andalouses. Il régit et écrase tout. L’ombre et le silence deviennent les seuls recours, l’unique échappatoire.
L’interdit, à l’aune d’une religion omniprésente et castratrice, pèse lourdement sur les corps, intensifie les passions, ravive les rancœurs, dévoile sans fard et sans pudeur les âmes humaines dans toute leur noirceur originelle. Dès lors, les blessures sont béantes et le sang doit couler. La nuit délie les corps et la bête sauvage expie, expulse et éjacule : désir de sexe et de mort, un couteau érigé en sacrifice… et meurt du brisement de son cœur. Comme dans la horde, ce sont les hommes qui se battent. Les femmes attendent, silencieuses. Tendues. Elles sont la permanence, la mémoire. La haine. La rancune aussi.
L’essentiel du combat se déroule donc sous la peau : le silence aura la part belle. Le chant aussi. Et le corps bien sûr. La contrainte et l’explosion sont les deux pôles autour desquels se construit la dramaturgie du spectacle. Il s’agit avant tout d’orchestrer un rituel dont chaque acte est mesuré. Tout ici est convention. On est dans un théâtre, une église, une arène. Les lieux scéniques ne seront pas représentés dans un réalisme, la musique aura une place déterminante dans le spectacle (certaines scènes seront entièrement chantées et dansées) ; bref pas d’illusion naturaliste.
La scénographie sera avant tout un rapport instauré entre acteurs et spectateurs. D’où l’idée de diviser le public en deux gradins (le gradin en demi-cercle de Grignan, et un autre gradin adossé au mur du château, séparé en deux pour laisser les portes centrales du château accessibles pour la grande scène des noces proprement dites.). Configuration bi-frontale transformant l’espace de jeu en couloir. Pour passer, il faut tuer l’autre, ou lui faire l’amour, le prendre dans ses bras : on ne peut passer à côté. La confrontation est inévitable. Ainsi, le ponton qui traverse ce plateau sera tantôt couloir d’une maison, tantôt la table des noces, tantôt chemin de terre où le combat mortel aura lieu, tantôt piste symbolique où la lune poussera un dernier pas de danse macabre…
Scénographie épurée, chemin de traverse, ligne au bout du compte brisée, explosée à l’image de ces noces ravagées… et rouge, rouge comme un soleil incandescent et fracassé pour mieux mettre en valeur le noir du sang caillé.
Il s’agira moins pour nous de monter Noces de sang dans son anecdote de tragédie rurale, que de faire entendre, à travers ce texte brûlant, la voix de cet auteur incomparable. Dans cette adaptation, nous donnerons la part belle aux voix chantées ; puiser dans les Canciones espanolas antiguas que Lorca avait répertoriés avec passion, et s’échapper là-encore de tout folklorisme pour parvenir à une partition musicale qui remue les tréfonds des âmes et leurs douleurs incommensurables.
Vincent Goethals
Le couteau, le couteau… Maudits soient tous les couteaux et le vaurien qui les a inventés.
Crédit photos : Jean Delmarty
Parce que l’écriture de Noces de sang se déploie du réel vers le fantastique, la pièce de Lorca appelle à un travail musical à mi-chemin entre la tradition et le surréalisme.
À partir du matériel thématique des Canciones espanolas antiguas que Lorca a lui-même collectées et harmonisées pour le piano, je propose une partition pour voix, vibraphone, violoncelle et accordéon qui, complétée par des extensions sonores de Bernard Vallery, traversera l’ensemble de la pièce.
En inscrivant ces mélodies andalouses dans un discours instrumental évoquant d’avantage les origines populaires qu’il ne les citera textuellement, la musique de scène mettra en avant les voix des comédiens-chanteurs. La force de leurs incantations et la délicatesse des lignes mélodiques accompagneront le voyage onirique auquel Lorca nous convie. Les couleurs instrumentales, les cellules rythmiques seront autant de matériaux épurés pour éclairer les forces inéluctables qui guident le drame
Gabriel Mattei
Teaser
France inter : reportage
Interview de Vincent Goethals (Mistral TV Drôme Ardèche)
Il naît près de Grenade dans une famille bourgeoise et libérale d’Andalousie en 1898. Il s’initie très jeune à la poésie, à la musique et à la peinture et suit des études de lettres et de droit à l’Université de Grenade, puis de Madrid. Il se lie d’amitié à Salvador Dalí, Luis Buñuel et Sanchez Mazas et devient l’un des initiateurs de l’art moderne en Espagne. Federico García Lorca s’intéresse, outre la poésie, à la peinture, la musique et surtout au théâtre. Après l’échec de sa première pièce de théâtre le Maléfice du papillon (1920), il se consacre presque exclusivement à la poésie. Ses œuvres, Canciones (1921) et Romancero gitano (1928), infuencées par la tradition orale et le folklore andalous lui procurent une notoriété croissante. Victime d’une dépression de ne pouvoir vivre son homosexualité en toute liberté, il fait un long voyage aux Etats-Unis en 1929-1930 où il donne des conférences. Après le rétablissement de la République espagnole, il est nommé directeur de La Barraca, société de théâtre étudiante subventionnée pour présenter le répertoire classique dans les provinces rurales. Dans les dernières années de sa vie, il se consacre essentiellement à la création théâtrale. En juillet 1936, au début de la guerre civile, Federico García Lorca se rend de Madrid à Grenade, ville puritaine et réactionnaire. Sans doute à cause de son homosexualité, il est arrêté par un groupe de répression fasciste, l’Escuadra negra. Il est assassiné quelques jours plus tard, puis jeté dans une fosse commune à Víznar. Federico García Lorca est l’un des écrivains espagnols les plus célèbres après Cervantès. Il a su allier l’héritage du folklore, la tradition populaire au romantisme, au symbolisme et aux mouvements d’avant-garde des années 1920, laissant une œuvre originale et inclassable.
Opéra-Théâtre de Metz Métropole
7, 8 et 9 novembre 2019
Théâtre d’Angoulême
13, 14 et 15 novembre 2019
Centre des Bords de Marne, Le-Perreux-Sur-Marne
21 et 22 novembre 2019
Spectacle disponible en tournée en 2020/2021.
Diffusion spectacle
Vincent Goethals
06 08 80 73 58
vincentgoethals(at)theatre-en-scene.fr