Texte Marie Hélène Larose-Truchon
Mise en scène Vincent Goethals
Assistante à la mise en scène Justin Litaaba
Scénographie et costumes Anne Guilleray
Création lumière Philippe Catalano
Environnement sonore Olivier Lautem
Texte Marie Hélène Larose-Truchon
Mise en scène Vincent Goethals
Assistante à la mise en scène Justin Litaaba
Scénographie et costumes Anne Guilleray
Création lumière Philippe Catalano
Environnement sonore Olivier Lautem
avec
Sébastien Amblard, Marion Lambert, Rainer Sievert
Production Théâtre en Scène
Tout public, à partir de 8 ans
Personnages
Amande-Amandine, hypocondriaque à l’imaginaire bordélique.
Homme-Maladie, pour l’instant l’ombre de lui-même.
Tic-Tac-Temps, raconteur ailé mangeur de calendrier.
Mains-Docteurs, mains gantées de latex bleu interprétées
L’histoire est contée par le Temps Tic-Tac-Temps qui passe et commente.
Tout se déroule dans une chambre d’hôpital grise.
Le plafond est gris. Le plancher est gris. Les murs sont gris. La fenêtre et les rideaux sont gris. Les deux lits et les deux tables de chevet sont gris. Dans un des lits, il y a un homme gris avec un pyjama gris sous une couverture grise qui fait des rêves gris. Son nom à lui, c’est l’Homme-Maladie.
Dans l’histoire, il y a aussi les Mains-Docteurs, elles sont toujours gantées de latex bleu. Les Mains-Docteurs soignent, piquent, opèrent, pansent et posent des diagnostiques. Cela leur arrive aussi de faire rire, et parfois de consoler…
Bientôt, nous ferons aussi la connaissance d’une petite fille, Amande-Amandine. Elle passe beaucoup de temps dans cette chambre, prétextant toutes sortes de maladie : la maladie de he-he-être Moi, la maladie de la bougeotte grimpante, la maladie de la peur jaune, la maladie de la serpillère, la maladie de l’araignée, la maladie de la pas maladie, la maladie de la parano-détective… elle voudrait tellement rester auprès de cet Homme-Maladie, son papa qui de jour en jour va plus mal, est englouti dans un vaisseau-tuyaux, et est au bord de la disparition… Mais rien n’y fait, les Mains-Docteurs ne croient pas à ses maladies, et lui donnent son congé d’hôpital !
… puis un jour, elle arrive avec un rhume, un vrai celui-là.
Son papa est guéri, aussi c’est à lui de lui dire : « viens, je vais m’occuper de toi ! »
TIC-TAC-TEMPS
C’est une nuit difficile pour l’Homme-Maladie. Et croyez-vous qu’il pense à Amandine, pendant que les sirènes prennent d’assaut la chambre?
Voilà que la traversée infernale commence. Il s’attache fermement au mat de son navire, les voiles gonflées jusqu’à la déchirure. Les vagues avalent le bateau, elles se brisent sur son dos comme des gifles de métal, il perd le cap, la nuit noire engouffre la proue. Où est le nord, le sud, l’ouest, l’est? Le mat se casse dans un éclair, par miracle l’Homme-Maladie reste à bord, mais les sirènes poursuivent leur ronde de plus belle, faisant monter la crue des eaux.
C’est une nuit difficile pour l’Homme-Maladie. Et croyez-vous qu’il pense à Amandine, pendant que les sirènes prennent d’assaut la chambre?
Voilà que la traversée infernale commence. Il s’attache fermement au mat de son navire, les voiles gonflées jusqu’à la déchirure. Les vagues avalent le bateau, elles se brisent sur son dos comme des gifles de métal, il perd le cap, la nuit noire engouffre la proue. Où est le nord, le sud, l’ouest, l’est? Le mat se casse dans un éclair, par miracle l’Homme-Maladie reste à bord, mais les sirènes poursuivent leur ronde de plus belle, faisant monter la crue des eaux.
Et lui, l’Homme-Maladie, qu’est-ce qu’il fait? Il s’accroche, la bouche pleine de sel, il s’accroche, sans même la force pour appeler à l’aide, il s’accroche, à l’inutile, à l’invisible, il s’accroche et il poursuit la traversée de la nuit avec une coque brisée, un gouvernail en feu, il poursuit la traversée de la nuit dans un vide aux violences océaniques, il poursuit la traversée du Cap Horn de sa nuit à lui, et il s’accroche, il s’accroche…
C’est une nuit difficile, pour l’Homme-Maladie. Mais dans la vraie vie, ça ne fait aucun bruit. Toute la tempête se dessine derrière ses paupières, d’un respire à un autre.
Et je vous demande, encore : croyez-vous qu’il pense à Amandine pendant la nuit?
Non. Il ne pense pas à elle. Pas même une petite miette.
Et c’est ça aussi qui est difficile. Difficile pour tout le monde. Tout est tellement difficile qu’il n’y a pas de place dans aucune pensée, aucune image, il n’existe pas de trêve dans la tête de l’Homme-Maladie pour la loger, elle, sa petite Amandine, cette nuit…
Alors chez Amandine, dans sa nuit à elle, à quelque part d’innommable, malgré le sommeil à poings fermés, elle le sait bien qu’elle est nulle part dans sa nuit à lui, à l’Homme-Maladie… et ça la traînera toute la journée comme une vieille serpillère, et ça la traînera lourde comme mille matelots qui ont avalé mille litres d’eau, et ainsi elle traînera, lourde et lourde et lourde et molle, jusqu’à la chambre grise…
AMANDE-AMANDINE
Des fois j’ai peur que tu sois disparu dans ton corps. J’ai aussi peur que moi je sois disparu avec ton ancien corps. J’ai peur que ce corps-là que t’as maintenant, maigre, branché, avec des cicatrices, j’ai peur que je sois nulle part dedans. J’ai peur que tous les deux, Amandine et Papa, j’ai peur qu’on soit disparu.
HOMME-MALADIE
Quand je vais sortir d’ici, je peux pas promettre que je serai exactement comme avant. Je peux pas promettre que toi tu seras comme avant. Je peux pas te promettre que rien sera comme avant. Mais je te promets qu’on va apprendre à se reconnaître. Parce que je t’aime. Pis je sais que tu m’aimes.
HOMME-MALADIE
Quand on est malade, on aime ça avoir de la compagnie. Ça donne de la force.
Il s’assoit près d’elle sur le lit. Ils restent ainsi un instant.
AMANDE-AMANDINE
Papa ?
HOMME-MALADIE
Oui ?
AMANDE-AMANDINE
Est-ce que je peux être un peu malade et rentrer à la maison avec toi quand même ?
HOMME-MALADIE
Oui, ma chouette. On rentre à la maison. Viens. Je vais m’occuper de toi.
Elle lui prend la main.
Ils sortent.
FIN
Après avoir lu, en lien avec le CEAD de Montréal et le Centre des auteurs belges à Bruxelles, de nombreuses pièces destinées au tout jeune public (les œuvres de qualité écrites pour les 8-12 ans sont assez rares), mon choix s’est porté sur « Amande-Amandine » de Marie Hélène Larose-Truchon. Pièce qui traite de la question passionnante de notre rapport à la maladie, de la peur qu’elle suscite et des fantasmes qu’elle génère. Pièce optimiste aussi, la dramaturgie enfantine traitant si souvent de la mort, cela fait du bien d’en trouver une positive, qui finit bien : le malade guérit !
Cependant, les véritables qualités de la pièce résident dans la qualité de la langue de Marie Hélène Larose-Truchon. Elle ose écrire comme une poétesse, le style est ambitieux, jamais mielleux, ni infantilisant. Elle varie les styles selon les personnages, on passe du dialogue enfantin, pétillant et farfelu, à une prose plus élaborées riche en image, se jouant des mots et des sonorités. On assiste même au moment critique de l’état de faiblesse du malade à une déconstruction du langage, comme si celui-ci était le reflet de l’état fragile du père.
D’autre part, l’univers est inspirant, les images sont belles, naïves souvent, pleines de fantaisie, promptes à faire naitre l’imaginaire… Avec le scénographe marionnettiste Damien Caille-Perret nous aurons un grand plaisir à faire naitre dans cet espace de grisailles d’une chambre d’hôpital, un monde fantasmagorique de tuyaux et de lumières fantomatiques, jusqu’à l’immersion océane, le temps d’une séquence. Sans oublier l’apparition bienfaitrice du soleil ramenant enfin de la couleur à la vie
Enfin, ce qui me plait par-dessus tout c’est que Marie Hélène Larose-Truchon, ne refuse pas l’émotion, mais la dépasse toujours avec un trait d’humour rafraichissant, et Nina Lombardo, la comédienne qui jouera le rôle-titre se régalera d’une partition si subtile et physique à la fois.
Comme j’avais mis en scène en 2005 « Catalina in fine » de Fabrice Melquiot dans le cadre de la biennale Odyssée 78 du CDN de Sartrouville (festival réputé dédié à la dramaturgie pour la jeunesse : il avait permis de générer une tournée de près de deux cents dates pour ce « Catalina in fine »!) des pourparlers sont en très bonne voie avec Sylvain Maurice, le directeur, pour que cette production soit défendue et coproduite par le CDN de Sartrouville pour la biennale 2019/2020.
Des recherches d’autres coproducteurs seront faites au cours des prochains mois auprès des structures culturelles régionales et autres concernées par le jeune public (le TJP, Homécourt, Forbach, le Grand Bleu, le festival Momix, etc…)
Crédit photos : Jean-Jacques Utz
Création décembre 2019
Théâtre du Saulcy à Metz
dates passées :
Les 15 et 16 avril 2021 à l’Espace Bernard-Marie Koltès / Metz
Les 9 et 10 février au Festival Momix à Kingersheim (68)
12 / 13 / 14 décembre 2019 à l’Espace Bernard-Marie Koltès / Metz
Diffusion spectacle
Vincent Goethals
06 08 80 73 58
vincentgoethals(at)theatre-en-scene.fr